edurtreG est un « outil » virtuel qui examine et « regarde » Gertrude (voir « Qu ‘est-ce que Gertrude ? »).

Il se présente comme Gertrude sous la forme d’un blog mais à la différence de ce dernier, il n’est composé que de textes.

La succession d’articles publiés ne dépend que de l’état de la réflexion que je mène sur Gertrude ce qui implique une certaine irrégularité dans le contenu et la temporalité.

samedi 8 septembre 2012

Vanité





On pourrait se demander si Gertrude, ou ma démarche à son propos, appartient à la catégorie des Vanités.

Personnellement, je n’ai pas su répondre encore à cette question et il est possible que je n’y réponde jamais ; il est possible aussi que cette question ne me concerne pas tant que cela, et même qu’elle ne soit pas vraiment la bonne question à poser sur ma démarche. Mais elle intéresse probablement ceux qui « ouvrent », pour une raison ou une autre, les blogs de Gertrude, donc ceux qui constituent la véritable part d’inconnue, non négligeable et essentielle, de mon entreprise.

Cette question, si elle les concerne, est donc suffisamment importante pour que je la soulève.

En effet, cette notion s’est installée toute seule comme un sédiment apporté par le flux d’Internet, passage incontrôlé et continu qui glisse sur chaque publication et y apporte son lot de réflexion, de sentiment et d’émotion.

Je veux, bien sûr, parler des visiteurs, qu’ils soient interlocuteurs fidèles de Gertrude ou simple passants égarés.

Ainsi le terme de « Vanité », peu utilisé au départ dans mon vocabulaire « gertrudien », a fini par s’imposer dans les conversations et, je crois, aussi dans la manière d’aborder mon travail.

Gertrude est devenue Vanité malgré elle, l’air de rien, presque par faiblesse ou par flemme d’imposer sa singularité.

L’image que les visiteurs reçoivent de mes activités ne coïncident pas toujours avec ce qui motive mon travail et ce que je pense donner comme sens à mes publications. Gertrude est bien plus « tête de mort » que je ne le souhaiterais et moins « unique » que je voudrais bien le croire.

Là où je reconnais une physionomie, force est de constater que pour d’autres, son caractère funèbre domine, bien loin de la personnification dans laquelle je la cultive ; car peu à peu, ce crâne, qu’un jour j’ai choisi parmi d’autres, que je sais avoir appartenu à une femme, auquel j’ai donné un prénom comme à un enfant, a acquis l’épaisseur rassurante de l’être, et la force de la présence. Il y a dans ce choix une forme d’adoption qui pose le crâne en miroir de celui qui le regarde.

Le réduire au symbole ou au stéréotype m’est autant impossible que d’y voir un message de mort et d’anéantissement.

Mais Gertrude, dans cet univers virtuel, sans pour autant renier son originalité, est devenue opportuniste, voire hypocrite, d’une part par ma volonté de nourrir mon propos de tout ce qui passe (rien n’était prévu, rien ne sera laissé au hasard), d’autre part par son état même de crâne, juste os dénué des caractères distinctifs de la reconnaissance humaine.

Elle se plie donc à toutes mes facéties, mais également se reflète complaisamment dans les désirs des visiteurs, laissant ainsi entrevoir, derrière toute la mise en scène dont elle fait l’objet, le creux de sa vérité objective, dénonçant ainsi la supercherie et le bluff avec lesquels je joue.

Si Vanité il y a n’est-ce pas justement dans cette labilité du crâne, dans ce creux où tous les possibles peuvent se développer ?

L’os est voué à l’anonymat, à la ressemblance à une catégorie d’objets : Alors qu’un corps a un statut de défunt, le crâne, lui, est à l’état de chose ; et cette même chose nous serons tous un jour, et à ce crâne nous ressemblerons.

Ce message colle à l’os quoiqu’on y fasse, et il y a peu à le réduire à sa simple expression en balayant les vaines fioritures et les fantasmes qui l’enrobent.

16 commentaires:

  1. Pour poursuivre votre réflexion, j'aurais envie de penser la "Vanité" au travers du flux de l' internet. Loin des atmosphères feutrées et élégantes des galeries, vous proposez à tous votre travail, y compris votre appareil critique. Vous vous dévoilez du côté de la trace, de l'éphémère, du virtuel. Je trouve cette démarche éminemment courageuse car offerte en partage avec les dérives et distorsions inévitables que cela impose à votre création.

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    1. Cette expérience est trop neuve pour que je puisse avoir du recul sur les effets qu’elle aura sur ma pratique ; je sais par contre que je n’aurais peut-être pas entrepris cette mise à plat hors de ce contexte virtuel ; une mise à plat qui s’annonce aussi tentaculaire que son objet ! Et qui risque tellement d’en jouer le jeu qu’elle sera autant regardée que regardeur de son propre phénomène. J’ai comme la sensation d’une affaire qui va s’autonourrir.
      L’Internet dépasse largement le cadre du seul espace de monstration et le terme de flux lui convient pleinement ; il coule comme le temps ou comme un fleuve dont les particules se répandent dans un océan sans fin et dont le débit n’exclut pas une menace d’assèchement; en même temps, tout y est offert et insaisissable, on ne peut que regarder passer ou trépasser ces choses qui se périment si vite.
      Exposer (ou s’exposer) sur la Toile revient à une certaine perte de maitrise sur les limites ; par exemple j’ai perdu toute notion de la « dimension » de l’espace de Gertrude : c’est à la fois énorme, en expansion constante et en vérité ce n’est que du rien ; sa disparition possible à tout moment rend la sensation vertigineuse et je suis tentée de poursuivre cette aventure jusqu’à son implosion inévitable. C’est une sorte de marche ou plutôt de fuite sans espoir où l’accumulation de peaux d’oignon amènera plus vers le vide que vers le plein, une sorte d’avancée à rebours et d’écrasement centripète vers un petit noyau sec juste bon à être recraché. Tout cela est, bien sûr, drôlement vaniteux dans tous les sens du terme !

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  2. La création ne serait-elle pas le fluide ectoplasmique de notre être ?
    Un déversoir du fleuve de nos constitutions sans intérêt ?
    " La vraie vie est absente ". Et si c'était vrai ?

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    1. Votre commentaire fait écho à ce que je viens de répondre à Marguerite ; c’est en effet sous cet angle que je conçois la création, surement plus de l’ordre de la case en moins que de la case en plus, et une émanation d’une certaine impuissance à se conforter de la réalité du monde.

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  3. La question de la vanité ne se pose pas dans votre démarche. Par cet os humain nous touchez, une manipulez une réalité physique cruelle sans vouloir la transcender par des propos plein d'espoir. Et c'est pour cela que ce crâne peut se retrouver dans des saynettes loufouques comme dans du gothique froid et ténébreux. Gertrude reste un os mort qui n'a rien d'autre à nous dire que "A bientôt les amis".

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  4. Le même en français :

    La question de la vanité ne se pose pas dans votre démarche. Par cet os humain vous touchez, vous manipulez une réalité physique cruelle sans vouloir la transcender par des propos plein d'espoir. Et c'est pour cela que ce crâne peut se retrouver aussi bien dans des saynettes loufouques comme dans du gothique froid et ténébreux. Gertrude reste un os mort qui n'a rien d'autre à nous dire que "A bientôt les amis".

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  5. Je pense que les réalités physiques n'ont pas le pouvoir d'être cruelles, seuls les intentions peuvent l'être; à moins que la cruauté ne soit qu'un problème de perception.
    Voilà que je me pose soudain des questions sur les fréquentations de Gertrude sur Internet...

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  6. Moi aussi, ça me fait ça quand je mange trop d'haricots tarbais.

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    1. Cela me conforte dans mon interrogation et me pousse à investiguer plus avant.

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  7. Je ne comprends pas bien ce que veut dire Machefort... Oui ce crâne nous dit "A bientôt"... Il nous rappelle donc la vanité de notre vie. C'est donc une Vanité.
    Je sais que je vais mourir mais le sais-je VRAIMENT puisque je n'ai jamais eu l'expérience de la mort et que je ne l'aurai jamais avant de mourir pour de vrai ?
    Souvent, en m'endormant, je me dis que je meurs pour de faux : ma vie d'aujourd'hui est finie et je meurs chaque soir. Et je ressuscite chaque matin pour une nouvelle journée à vivre qui mourra avec moi le soir...

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    1. Je crois que notre ami Sébastien veut dire qu'il est inutile de débattre de l'état vaniteux de Gertrude puisque à l'évidence Gertrude est une Vanité en soi.
      Je crois qu'il est impossible d'arriver à la connaissance de sa mort; on peut juste en avoir peur, et c'est bien plus une affaire de tripes que de cerveau.

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    2. C'est pour conjurer cette peur que chaque soir je m'entraîne à mourir. Et ça se passe bien. Et je m'endors si bien et si profondément que je n'ai pas peur de sombrer ni de ne pas me réveiller.
      Cet "entraînement" est sans doute comparable aux "alertes incendie" durant lesquels nous descendons placides dans la cour avec nos élèves hilares. Le jour où ça sera vrai, à force de faire ces entraînement futiles, on n'y croira pas et tout le monde brûlera.
      Donc. A force de m'entraîner à mourir, le jour où ça arrivera, je croirai que je m'endors. Tranquille.

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    3. J'ai déjà cru plusieurs fois que je mourrais (mais je suis crédule) alors si cela se trouve un jour je m'endormirai en pensant que je meure et je ferai tout et ressentirai tout comme pour le grand saut; ce serait pas trop mal de faire une répétition un peu sérieuse, non?

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  8. « Le point de vue du bourreau, c’était que l’on ne pouvait trancher une tête en l’absence d’un corps, d’où l’on pût la détacher »
    (Alice au pays des merveilles)

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    1. Il est sûr que Gertrude traine un énorme corps mort malgré ses airs décapités!

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